Bonjour, Aujourd'hui : "On ne bouge plus !" Où l’on apprend comment mettre des danseuses sur pause.
Paris, 1895. Quel tourbillon ! Ces danseuses ne s'arrêtent pas un instant. Un entrechat par-ci, une pirouette par-là... Elles sautent d'un bout à l'autre de la scène, virevoltant avec habileté. Le peintre Edgar Degas ne sait plus où donner de la tête et a bien du mal à les dessiner avec précision. Il voudrait étudier leurs muscles et la façon dont la lumière se pose sur elles. Si seulement il pouvait figer l'instant…
Edgar Degas, Danseuses sur la scène, vers 1889, huile sur toile, 78 x 82 cm, Musée des Beaux-Arts de Lyon Voir en grand
La photographie, voilà la solution ! Cette technique moderne est une aubaine pour le peintre dont les modèles ont la bougeotte. Degas se prend de passion pour ce procédé, qui lui permet enfin d'étudier les postures aussi longtemps qu'il le souhaite.
Pour les jeunes danseuses, le temps de pose est moins long, un avantage considérable. Car tenir les bras levés, en équilibre sur une jambe, tout en restant gracieuse, ce n’est pas si facile ! Et puis l'autre intérêt de la photographie, c'est sa capacité à fixer la lumière. Chaque éclat, chaque ombre est figée.
Edgar Degas, Trois danseuses, 1873, huile sur toile, 27,5 x 22,7 cm, collection privée Voir en grand
Résultat, les clichés deviennent des outils de travail indispensables pour Degas. Ainsi, après avoir capturé les poses alambiquées des ballerines, l'artiste s'en inspire pour ses dessins. Et parfois, il réunit plusieurs postures en une seule œuvre.
On reconnaît par exemple dans le pastel Les Danseuses Bleues une jeune femme remontant les bretelles de sa robe, que Degas avait photographiée. Il la représente à côté d’une autre danseuse le bras replié contre sa poitrine, issue elle aussi d'une photographie.
À gauche : Edgar Degas, Les Danseuses Bleues (détail de l'œuvre), vers 1898, pastel sur papier, 64 x 65 cm, Musée Pouchkine, Moscou À droite : Edgar Degas, Danseuse le bras tendu, 1896, négatif au gélatino-bromure d'argent, partiellement solarisé, 18 x 13 cm, Bibliothèque nationale de France, Paris Voir en grand
Ces portraits solitaires sont réunis dans une même scène, et les petits rats de l'opéra reprennent vie sous nos yeux. Figer le mouvement pour donner l'impression que l'on bouge, voilà la formule secrète d'Edgar Degas !
Edgar Degas, Les Danseuses Bleues, vers 1898, pastel sur papier, 64 x 65 cm, Musée Pouchkine, Moscou Voir en grand
Racontée par Cécile Briard